Togo : l’opposition fait le plein de manifestants
Le Togo a sûrement vécu un tournant mercredi 7 septembre 2017. « Nous voulons le changement. Après 50 ans, il est temps de partir ». Voilà en susbstance le cri de coeur de milliers de togolais à destination de Faure Gnassingbé. Ils réclament l’alternance politique et les réformes constitutionnelles que le pouvoir a promis de longue date. Malgré les promesses de réformes du pouvoir, l’opposition compte bien maintenir la pression.
Des dizaines de milliers d’opposants ont donné de la voix. Héélu looo ! (Entendez-vous mes frères ? Mère patrie nous appelle Debout togolais, Debout ! Debout ne tardons plus). C’est le cri qui jailli des entrailles des togolais. A Lomé ils étaient 100.000 selon le directeur local d’Amnesty International. « C’est du jamais vu, je pense qu’il y a plus d’un million de personnes à Lomé », a de son côté affirmé à l’AFP le chef de file historique de l’opposition, Jean-Pierre Fabre. Le Togo compte environ 7 millions d’habitants.
Et on peut comprendre que les togolais en aient marre de ce pouvoir dynastique des Gnassingbé. Mine de rien, Faure Gnassingbé, le fils d’Etienne Gnassingbé Eyadema, qui a dirigé sans partage le pays pendant 38 ans, vient tout de même de voir passer, en 12 ans de règne, 4 présidents français (Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron) !
Pour se flatter d’un avenir, hélas, en pointillés, Faure Gnassingbé, se croyant grand stratège, fait sortir de son chapeau, à la dernière minute, une réforme constitutionnelle concernant la « limitation des mandats et le mode de scrutin ». Cet avant-projet de loi, adopté mardi en conseil des ministres, doit encore être validé par le Parlement, qui ne fera sa rentrée qu’en octobre. Toujours gagner du temps…
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Les enfarinades du genre « Nous avons constaté qu’il y avait une attente forte au sein de la population », a expliqué à l’AFP le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, tout en invitant les opposants au « dialogue et au débat »… n’ont aucun effet sur la population. C’est la stratégie du flou. Armand Jarre, un manifestant de 26 ans répond que « Les réformes, c’est des mensonges, on ne les croit plus. Si le peuple est décidé rien ne peut l’arrêter, pas même l’armée ».
Ces princes qui nous gouvernent vivent-ils vraiment sur la même planète que leurs concitoyens ? Aveuglés qu’ils sont par la servitude qu’ils imposent au peuple au seul bénéfice de leur clan, ces mesures qu’ils proposent, parce qu’ils sont acculés, sont considérées par le peuple comme trop peu et … trop tard ! Blaise Compaoré l’a appris à ses dépends. Au moment il avait « compris » le cri du coeur des Burkinabè, il était trop tard.
La problématique qui est posée est celle de la légitimité et non de la légalité ! C’est pourquoi nous rétorquons à ceux qui se lancent dans les contorsions juridiques qu’il ne s’agit pas d’une question de droit mais de justice ! Est-il admissible, est-il normal qu’un pouvoir, fut-il exercé pour le bonheur du peuple (c’est très loin d’être le cas au Togo), dure 50 ans ? 😈
L’internet mobile, c’est devenu une habitude chez les autocrates, était coupé dans la capitale togolaise, pour empêcher l’accès aux réseaux sociaux. Dans le nord du pays, à Sokodé, Dapaong et Kara notamment, plusieurs milliers de manifestants ont également défilé, selon Amnesty international et des témoignages d’habitants sur place.
Pour les togolais il est temps que l’inclination à la monarchie cède à la réalité de la république. Faure Gnassingbé a commis l’erreur fatale de créer une commission de réformes. C’était l’erreur de trop. Surtout que depuis quelques temps il envoie des signaux qui indiquent clairement sa détermination à vouloir diriger le Togo au delà de 2020.
Diriger le Togo à tout prix, contre vents et marées, n’est pas pas un agenda raisonnable. Quand bien même Faure Gnassingbé aurait travaillé pour le bonheur des togolais, il faut qu’il ait la sagesse de passer la main, quitte à manoeuvrer pour que ce soit une personne du clan qui lui succède. Blaise Compaoré avait pourtant bien travaillé pour le Burkina Faso, qui sous son magistère avait une image admirée de tous. Blaise Compaoré était aussi très craint, pour la terreur qu’inspirait son régime. Mais pour n’avoir pas compris que son système était à la fin d’un cycle, il est sorti par la petite porte. Cela devrait inspirer Faure et bien d’autres. Mais y a-t-il plus sourd que celui qui ne veut pas entendre ?
Origène Kolinka