Départ de la France du Niger
Départ de la France du Niger
Le Président français Emmanuel Macron vient de concéder le départ de la France du Niger, sous la pression de la junte au pouvoir dans le pays. Emmanuel Macron a annoncé le retour « dans les prochaines heures » de Sylvain Itté, ambassadeur français à Niamey. Le départ des troupes françaises est prévu d’ici à la fin de l’année. Épilogue d’un bras de fer qui aura duré presque 2 mois.
Le président français a ainsi pris une décision salutaire, pour éviter une escalade qui aurait pu arriver à tout moment, tant le climat était devenu délétère à Niamey.
J’ai lu, en 2022, 4 livres que je vous conseille vivement. Ces ouvrages s’articulent parfaitement avec l’actualité de la présence française au Sahel. Il s’agit de : « Le Piège Africain de Macron » (Antoine Glaser|Pascal Airault) ; « L’Empire qui ne Veut pas Mourir » (Thomas Borrel|Amzat Boukari-Yabara|Benoît Collombat|Thomas Deltombe) ; « Une Guerre Perdue » (Marc Antoine Perouse de Montclos) ; « L’Afrique, Nouvelle Frontière du Djihad » (Marc Antoine Perouse de Montclos).
Ces écrits mettent en évidence les complexités et les défis de l’intervention militaire française, ainsi que les enjeux historiques et géopolitiques qui sous-tendent cette présence. Ils suscitent des débats importants sur la manière dont la France et la communauté internationale doivent aborder les problèmes de sécurité et de développement dans la région. Ce qui se passe au Niger est un cas d’école.
Le Virage Anti-français de la Junte Militaire au Niger : Un Défi pour la Sécurité Régionale
La junte militaire au Niger, en mal de reconnaissance internationale, a opté très tôt pour un virage anti présence Française au Niger. Stratégie payante, s’il en est, qui manifestement a pris de court le gouvernement français. Paris, en effet, n’a pas réussi à contrer ce narratif populiste et à faire partager sa vision dans ce pays où plus de 1.500 de ses soldats sont stationnés.
Pourtant, le partenariat militaire entre les forces françaises et nigériennes avait donné des résultats probants dans la lutte contre le terrorisme, comme l’avaient souligné à maintes reprises les responsables militaires des deux pays. Toutefois, depuis le coup d’État du 26 juillet 2023 et la suspension de plusieurs partenariats militaires avec des pays étrangers, les attaques terroristes se sont malheureusement multipliées au Niger, alimentant ainsi le débat au sein de l’opinion publique qui se demande si le Niger a les capacités de lutter seul contre les Groupes Armés Terroristes (GAT).
Le Jeu Trouble de Washington
À Paris, on laisse échapper des grognements agacés : « Avec des alliés comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis ». Les choix diplomatiques américains au Niger suscitent un fort mécontentement au Quai d’Orsay et à la présidence française. Les États-Unis ont affiché une présence marquée depuis le déclenchement de la crise au Niger, une présence qui est allée parfois trop loin. En particulier, la participation de la numéro trois de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, à la table des putschistes le 7 août dernier, a été une véritable surprise et a contrarié les attentes françaises. « Ils ont fait tout le contraire de ce qu’on pensait qu’ils feraient », s’indigne-t-on du côté français. »
Un élément de grande importance est rarement mentionné : le rôle du pétrole au Niger. L’achèvement imminent de l’oléoduc reliant le Niger au Bénin représente un moment clé pour l’économie nationale. En effet, Niamey se prépare à devenir un acteur majeur de l’exportation de pétrole, plus important que Malabo !
Il s’agit d’un enjeu bien plus significatif que l’uranium, sujet de tant de discussions, et qui ne revêt pas de caractère stratégique ni pour la France, ni pour l’Union européenne. En réalité, le Niger se classe au cinquième rang des fournisseurs, bien loin derrière le Kazakhstan et le Canada.
Ce qui est sûr, c’est que cette odeur d’or noir ne manque pas d’attirer l’attention et de susciter des convoitises, en particulier de la part de Washington, qui se montre toujours très intéressé dès qu’il s’agit de pétrole. Ainsi, pour tous les acteurs internationaux, se pose aujourd’hui un dilemme entre la realpolitik et la promotion des valeurs démocratiques et libérales.
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Grandes Interrogations pour la Suite
Paris envisage, non pas de se retirer, mais de se redéployer, par exemple, au Tchad… probablement au Bénin, en Côte d’Ivoire et à Djibouti.
Le Tchad est le point d’ancrage de la France en Afrique Centrale et au Sahel. Toutefois, cette position stratégique soulève une question complexe pour la France : peut-elle maintenir sa coopération étroite avec un régime militaire, qui est arrivé au pouvoir de manière inconstitutionnelle, tout en respectant ses principes démocratiques affichés ?
Le résultat est que le message de la France est perçu par les opinions publiques africaines francophones comme un double discours… de double standard. « Pourquoi condamner la junte malienne ou nigérienne et pourquoi ne pas condamner la junte tchadienne » ? Une clarification s’imposera forcément, devant l’imprécision sur le double langage de la France.
Ce qui est Reproché à la France
Dans les capitales africaines et même dans les capitales européennes, il est reproché à la France de « regarder l’Afrique 3.0 avec les loupes du 20ème siècle ». La France doit absolument changer de paradigme ! Pourquoi ?
On ne peut pas expliquer à des africains, civils ou militaires, formés dans les mêmes écoles que les dirigeants de la France ou de l’Occident en général, qu’ils n’ont pas la lucidité de comprendre ce qui est utile pour eux, en ce 21ème siècle. C’est une génération décomplexée qui veut bâtir des partenariats avec tout le monde, y compris la France ! Et à cet égard, la France dispose de beaucoup d’atouts. La France doit donc s’adapter et faire en sorte qu’elle devienne un partenaire avec qui on peut travailler dans la dignité. C’est cela l’avenir.
Il est important de noter que tous les Africains francophones ne partagent pas nécessairement ce sentiment anti-français, bien au contraire ! Les opinions varient considérablement en fonction des individus, des groupes et des pays. De plus, la relation entre la France et ses anciennes colonies reste complexe, mêlant des éléments de coopération et de tension.
Ce que l’on devra observer dans les semaines et mois qui suivent, c’est de savoir si le fait de se débarrasser du repoussoir de ce qu’est la France aujourd’hui permettra à la junte militaire actuellement en place, avec le soutien des opinions publiques, de conserver une telle popularité. Ce pouvoir, avec le départ de la France, risque de se retrouver confronté aux réalités de sa gouvernance nationale et locale.
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