Zimbabwe / Robert Mugabe : « Moi Pas Bougé » !
Sacré Robert Mugabé ! Décidément le Camarade Bob fera de la résistance jusqu’à la dernière seconde. Alors que tout le Zimbabwe et l’opinion internationale s’attendaient à ce que le Papy de 93 ans tire les conséquences de la décision de son exclusion, ainsi que celle de sa très chère Grace, des instances dirigeantes de la ZANU PF, le très rusé Mugabe vient de nous sortir un de ses tours de passe-passe de sa gibecière de stratège. Un dernier baroud d’honneur… au terme d’une folle journée.
C’est peu dire que cette intervention était attendue, tellement le pays était figé. D’une voix monocorde, Robert Mugabe annonce d’un coup qu’il présidera le prochain congrès de la ZANU PF (parti au pouvoir), dont il n’est pourtant plus statutairement le patron. Les Zimbabwéens sont frappés de stupeur, déçus et abasourdis. Ce véritable pied de nez de Robert Mugabe aux appels à démissionner dimanche pourrait déclencher des procédures d’impeachment (destitution) cette semaine.
Oui, Robert Mugabe se moque des Zimbabwéens et veut, en réalité, gagner du temps… Il a intentionnellement omis de lire certaines parties de son discours. Le Chef d’Etat-major, le général Chiwenga, qui l’a mis en résidence surveillée, lui a, à plusieurs reprises, indiqué la feuille qu’il devait lire. En vrai filou, il a acquiescé de la tête sans pourtant obtempérer. Et à la fin il s’excuse, en plaisantant : « oh, j’ai raté des parties ».
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Au grand désarroi des militaires qui étaient très embêtés. Visiblement, ce n’est pas ce qu’ils attendaient. Il avait promis d’annoncer sa démission, il ne l’a pas fait. Il a fait semblant de jouer le jeu, parce qu’il voulait parler directement aux Zimbabwéens. Robert Mugabe utilisé ce subterfuge, parce qu’il voulait juste pouvoir avoir accès à la télévision nationale, pour parler à la population, comme si la situation socio-politique était normale.
Non dits et dynamiques souterraines
Les responsables zimbabwéens n’ont jamais révélé les détails des négociations de Robert Mugabe avec les militaires, mais les militaires semblent favoriser une démission volontaire pour maintenir un vernis de légalité dans la transition politique. Robert Mugabe, à son tour, utilise tout ce qu’il lui reste pour essayer de préserver son héritage, se protéger et protéger sa famille contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Les militaires et les leaders de la ZANU-PF négocient, eux aussi, pour que ce passage de témoin se fasse sans trop de vagues. Bien conscients que c’est ensembles qu’ils ont géré et pillé ce qui était le grenier de l’Afrique australe, réprimé les Zimbabwéens. Il y a en effet beaucoup de squelettes dans les placards…
Jusque-là l’armée tente de « le traiter avec respect et dignité », selon Anthoni van Nieuwkerk de l’université de Witwatersrand à Johannesburg, afin de mettre au plus vite un terme à ce coup de force militaire. « Il a été notre leader pendant longtemps, et nous avons tous beaucoup appris de lui« , ont déclaré la plupart des militants de la ZANU PF. Mais Robert Mugabe, disent-ils, « s’est entouré d’une coterie mafieuse« . L’affaire n’est pas cependant aisée. Le vieux Mugabe, âgé de 93 ans, a la réputation d’être coriace et un fin tacticien.
En effet, sous ses faux airs de sénile (quand ça l’arrange, il joue au vieux gaga), Robert Mugabe manœuvre subtilement pour conduire les auteurs du coup de force dans le tunnel du « Coup d’Etat »…. que la junte devra assumer. Le plus vieil homme au pouvoir sur la planète va donc tenter une ultime résistance à la procédure d’impeachment (destitution) qui va certainement s’enclencher au niveau de l’Assemblée Nationale. Si Robert Mugabe y parvient, le piège se refermerait sur le général Chiwenga et ses comparses. Le « Coup d’Etat » serait alors consacré. La batterie de sanctions internationales se mettrait à pleuvoir sur le Zimbabwe. Voilà ce qu’espère le Camarade Bob, qui connaît très bien les arcanes des traités de l’Union Africaine, SADEC et compagnie, pour se remettre en selle.
Mais dans tout cet imbroglio, où est Emmerson Mnangagwa, qui est désormais le président de la ZANU-PF, le président par intérim ? A 75 ans, cet ancien fidèle du président Robert Mugabe n’a pas été vu en public depuis son éviction. Du coup, les volte-face de Robert Mugabe plongent une fois de plus tous les Zimbabwéens dans une nouvelle ère d’incertitude. Mais, selon les témoignages recueillis, ils espèrent vraiment que les choses vont bouger dans les prochains jours, et notamment au Parlement à partir de demain mardi 21 novembre 2017.
Quel que soit le dénouement de cette crise au Zimbabwe, le vieux lion se sera accroché jusqu’au bout, pour essayer d’installer « la dynastie Mugabe » au Zimbabwe. Il aura tout tenté pour que sa très chère Grace Mugabe se retrouve en position de favorite pour lui succéder, le moment venu. Perspective que l’armée et les Zimbabwéens en général n’ont pas acceptée. On se dirige probablement vers une sortie par la petite porte de celui qui a été longtemps admiré, respecté, pour le combat contre le joug colonial incarné par la Rhodésie du Sud du 1er ministre Ian Smith qui avait instauré un régime d’Apartheid, similaire à celui qui avait court en Afrique du Sud. Pour Info, la Rhodésie du Nord est l’actuelle Zambie.
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Ce qui faut souhaiter pour le Zimbabwe, c’est que cette crise soit une opportunité de mettre en place une transition démocratique, avec tous les acteurs politiques du pays, pour engager, à court terme, un processus qui va conduire à des élections libres et transparentes. Il serait vraiment dommage que cette tragi-comédie aboutisse à asseoir un autre pouvoir, qui consistera simplement à continuer à faire du Mugabe sans Mugabe.
Origène Kolinka