Ouganda : Coups de poings à l’Assemblée Nationale !
Les honorables députés de l’Assemblée Nationale d’Ouganda ont offert au monde entier, mardi 27 septembre, un spectacle des plus surréalistes ! Les ougandais, qui n’en reviennent toujours pas, ignoraient vraisemblablement qu’ils avaient choisis des karatekas, des loubards… des voyoux pour les représenter au parlement.
Ainsi donc, chaises volantes, vestes tirées, chaussures pour lapider des corps tordus, coups de poings à la recherche de mâchoires à fracasser et les cris ont dominé la séance plénière d’hier au Parlement. Mais quelle mouche a donc piqué les membres de cette auguste assemblée pour qu’ils se livrent à ce honteux pugilat ? Nos « honorables » députés débattaient de la suppression de la limite d’âge pour être élu président. Mais visiblement, les députés ougandais n’étaient pas du tout d’accord, ce mardi.
Après les injures et les menaces, les députés sont passés à l’action et Hollywood a ouvert ses portes dans la salle de l’assemblée nationale ougandaise. Les chaises ont commencé à voler en éclats, des coups de points se sont formés pour qui passera par là ; une scène digne d’un film de Bruce Lee. Résultat: des élus de la majorité et de l’opposition ont transformé mardi la salle de l’assemblée nationale en un ring de boxe.
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Le Parlement ougandais devait débattre de la limite d’âge du président. La tension était déjà montée d’un cran lorsque le président du Parlement a autorisé l’institution à statuer sur une motion visant la suppression de la limite d‘âge présidentiel, soumise par la majorité présidentielle.
Mais la séance a très vite tourné au vinaigre lorsqu’un député au pouvoir, précisément le ministre de l’Eau Ronald Kibuule, a été accusé par des députés de l’opposition de porter une arme à feu dans l’enceinte du Parlement. Une accusation vigoureusement démentie par le mis en cause. Le président du Parlement a cependant exigé des fouilles de tous les autres députés présents. Une exigence qui a empiré les choses et les échanges de coup-de-poing et autres scènes de violence comme le décrit la chaîne locale NTV Uganda, ont pris place dans la salle.
Même si l’opinion ne pensait pas que ce qui est arrivé ne prendrait pas cette proportion, il faut le dire, cette situation était prévisible. Ce matin là les députés de l’opposition s’étaient rendus au parlement avec des bandeaux rouges attachés sur la tête et sur les mains, en signe de leur farouche contestation à la motion, première étape vers l’adoption d’un amendement constitutionnel supprimant la limite d‘âge présidentiel.
L’opposition, mais aussi une partie de la population, s’émeuvent, à juste titre, de ce que si elle était adoptée, elle permette au président Yoweri Museveni de briguer un nouveau mandat. M. Museveni, au pouvoir depuis 1986, a affirmé qu’il avait 73 ans, ce qui lui interdit de se présenter en 2021 pour un sixième mandat consécutif. En effet, la Constitution actuelle impose aux candidats à la présidentielle d‘être âgés entre 35 et 75 ans.
En 2005, le Parlement a accommodé les textes, en supprimant la limitation à deux mandats présidentiels, ce qui a permis à l’ancien maquisard de se présenter pour un troisième, quatrième et cinquième mandat.
Les étudiants contre l’amendement
À quelques centaines de mètres de là, sur le campus de la principale université du pays, des centaines d’étudiants ont une nouvelle fois bravé une interdiction de manifester et portaient eux aussi des bandeaux rouges. Certains manifestants ont érigé des barricades tandis que les forces de l’ordre lançaient des gaz lacrymogènes pour les disperser. « Notre Constitution n’a pas été écrite avec un simple crayon, on ne peut pas la réécrire de manière aussi triviale », a dénoncé le responsable étudiant Colins Tumukunde, interrogé par l’AFP.
Dans cette honteuse affaire, la presse sera la victime collatérale. La Commission de la communication du pays vient de prendre une mesure qui interdit toute retransmission en direct des sessions parlementaires. Jusqu’ici, c‘était la chose la plus normale et un précieux acquis démocratique. Hélas, à partir de maintenant, les Ougandais n’auront plus le privilège de suivre en direct les sessions parlementaires.
Eh oui, Yoweri Museveni, comme Sassou Nguesso, Ali Bongo, Idriss Déby, Paul Biya (bientôt), Faure Gnassingbé (très bientôt) et consorts, est en roue libre pour un énième mandat. Les Ougandais savent bien qu’on organisera autant d’élections présidentielles qu’on veut, c’est l’ancien maquisard qui les gagnera. Le verrou de la limite sauté, M. Museveni, qui le sens de la famille bien aiguisé, pourra arranger les choses et passer tranquillement la main à son fils, le général Muhoozi Kainerugaba, qu’il a nommé en janvier 2017, à la fonction poste de haut conseiller pour les opérations spéciales. Pour info, le rejeton de M. Museveni a été le chef des forces spéciales de l’armée, et a rapidement gravi les échelons. Il était également responsable de la sécurité de son père.
M. Museveni ne se sent bien qu’en famille. Le président a, dans le passé, déjà été critiqué pour avoir nommé des membres de sa famille à des postes clés. Son frère, Salim Saleh, est également conseiller présidentiel et son épouse, Janet Museveni, est ministre de l’Education. Comme quoi, les Ougandais peuvent toujours rêver. L’alternance démocratique à laquelle ils aspirent n’est qu’une chimère ! 😈
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Hélas, dans presque tous les pays africains, les élections s’accompagnent de massives irrégularités électorales telles des harcèlements et des intimidations par les forces de sécurité, des fraudes électorales, des votes multiples, le bourrage des urnes, la corruption, et l’emprisonnement de militants politiques soupçonnés par les dirigeants au pouvoir de soutenir des opposants.
Tant qu’il n’y a pas de fortes institutions, notamment des partis politiques plus forts que leurs leaders et des institutions plus fortes que les individus, réaliser une démocratie de multipartisme restera toujours un rêve. Alors, les champions en contorsions juridiques, ne venez pas encore nous parler de légalité constitutionnelle. Il s’agit de justice et de légitimité !!!
Pauvre Ouganda, pauvre Afrique… Que faut-il donc faire ? Les règnes dynastiques ont de beaux jours devant eux, si le peuple ne se lève pas. Hélas, n’imite pas le Burkina Faso qui veut !
Origène Kolinka