Kenya : Voici pourquoi l’élection présidentielle a été déclarée invalide
La Cour suprême du Kenya a lu mercredi 20 septembre 2017 une partie substantielle de son verdict complet sur la pétition d’élection présidentielle du 8 août. Dans son discours d’ouverture, le juge en chef David Maraga a déclaré que les cinq juges ne liraient que les principales parties de leur jugement, principe auquel les avocats représentant toutes les parties dans la pétition ont adhéré. C’est dans un climat tendu que le verdict très attendu a été prononcé.
A la barre se trouvaient cinq juges. Le juge en chef Maraga a expliqué que le juge Smokin Wanjala avait voyagé hors du pays. Dans une déclaration marquante qui a été remise le 1er septembre, quatre juges (le juge en chef David Maraga, la juge en chef adjointe Philomena Mwilu, Smokin Wanjala et Isaac Lenaola) ont annulé l’élection présidentielle alors que deux juges, Jackton Ojwang et Njoki Ndung’u, ont émis un sentiment opposé.
« La Commission indépendante des élections (IEBC) a bafoué la loi et la constitution dans la mesure où elle devient la loi elle-même. De notre part, les élections ne sont pas seulement un événement, mais tout un processus, cela est pourtant décrit dans le manuel de l’IEBC. Les Kenyans ont perdu confiance dans les résultats de l’élection générale de 2007, en raison de la manière chaotique et confuse de les compiler et de les annoncer. Kriegler avait recommandé l’utilisation de la technologie dans le processus électoral. La technologie à utiliser devrait être transparente et vérifiable. Après avoir annoncé les résultats, l’IEBC qui ne pouvait pas fournir tous Les formulaires 34A a soutenu que les résultats présidentiels étaient déterminés par les formulaires 34B. l’IEBC était tenue de fournir des certificats de tests de pénétration sur les systèmes de transmission et également l’emplacement GPS des kits KIEMS. Cela n’a pas été fait.
A ces faits s’ajoute une outrance inqualifiable de l’IEBC. A la requête découlant du recours exercé par l’opposition, la Cour a réclamé à l’IEBC l’accès à ses serveurs pour vérifier des accusations de piratage, qui auraient affecté la transmission des résultats. L’IEBC a refuser d’obtempérer à cette injonction de la Cour. « Notre ordonnance était une opportunité en or pour l’IEBC de présenter devant la Cour des preuves pour discréditer les affirmations du plaignant », l’opposant Raila Odinga, a déclaré la juge Mwilu.
Pour justifier le retard et l’absence de nombreux procès-verbaux de bureaux de vote issus de zones reculées, l’IEBC a accusé un réseau internet limité. Argument que la Cour suprême a rejeté, d’autant plus que de gros moyens financiers avaient été mis à la disposition de la Commission électorale pour assurer un scrutin sans bavure. l’IEBC aurait tout simplement dû mettre en place « des systèmes de transmission alternatifs ».
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Ainsi donc l’IEBC n’a pas vérifié les résultats transmis électroniquement et systématiquement par les bureaux de vote avant d’agir en violation de la Constitution et de la loi. Le directeur général de l’IEBC, Ezra Chiloba, a admis que l’IEBC n’était pas en mesure de fournir au pétitionnaire (NASA) tous les formulaires 34As, trois jours après la publication des résultats et a insisté sur le fait que l’élection présidentielle était basée sur les formulaires 34B qui tous ont été soumis. Cela soulève des questions. Outre le devoir de vérification, l’IEBC a le devoir de veiller à ce que le système de vote soit simple, précis, responsable et sécurisé. Les chiffres devant simplement s’ajouter. Les Kenyans ont passé de longues heures d’attente et voté puis, après cela, le système est devenu opaque. Nous ne pouvons pas prouver que Uhuru Kenyatta a obtenu des votes majoritaires.
Justice Isaac Lenaola, un des 4 juges qui a soutenu l’annulation des élections présidentielles du 8 août 2017, lisant le verdict. Lenaola
A partir d’un échantillon aléatoire, nous avons constaté que sur 291 formulaires, 56 n’avaient pas de filigrane, tandis que 31 ne portaient pas de numéros de série et 5 autres n’étaient pas signés et 2 étaient seulement estampillés par les directeurs du scrutin mais non signés, en plus 32 autres formulaires n’étaient pas signés par les agents des bureau de vote. Les résultats des élections du 8 août ne peuvent pas passer le test de l’authenticité et nous devons les annuler malgré les chiffres. »
Le climat de la campagne s’est considérablement tendu, depuis l’annulation de l’électiondu 8 août 2017. Le président de la Cour David Maraga a déclaré mardi que les juges faisaient l’objet de menaces. Des magistrats que le président sortant Uhuru Kenyatta avait publiquement qualifiés« d’escrocs ». L’intrépide David Maraga a critiqué ce qu’il a qualifié d’intimidation continue de la magistrature par des politiciens après l’annulation des élections.
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David Maraga et ses collaborateurs ne sont pas passés par 4 chemins pour dire les choses. la Commission électorale indépendante a été défaillante, mettant ainsi la paix sociale en danger. La conclusion de la Cour est que « le système informatique a été infiltré et compromis, et que les informations s’y trouvant ont été modifiées, ou que des responsables de l’IEBC eux-mêmes ont modifié ces informations, ou que l’IEBC a gâché le système de transmission (des résultats) et n’a pas été en mesure de vérifier les informations. Les élections ne sont pas une affaire de nombres, mais de processus, dit la Cour, et l’IEBC s’est rendue coupable de graves entraves à la loi lors du décompte et de la transmission des résultats».
Il apparaît peu probable que l’organisation de la reprise du scrutin présidentiel se fasse à temps et surtout avec une équipe qui a été autant incriminée ! Quand on sait que le chef de la coalition de l’opposition Raila Odinga a menacé de boycotter ces élections si certains responsables de l’IEBC n’étaient pas démis de leurs fonctions, les kenyans et les … africains retiennent leur souffle. Nous avons encore en souvenir les violences post électorales de 2007, qui ont failli faire basculer le Kenya dans la guerre civile. Que Dieu protège le Kenya.
Origene Kolinka