Israël: la «loi Facebook» fait craindre des dérives
La justice israélienne pourra demander à Facebook, mais aussi à YouTube ou Google, de supprimer certains contenus publiés par des particuliers.
Le Parlement israélien examine actuellement un projet de loi controversé. La « loi Facebook », c’est ainsi que l’on nomme ce texte qui a déjà adopté en première lecture à la Knesset début janvier, permet à la justice israélienne d’ordonner aux géants du web comme Facebook ou YouTube de supprimer des incitations à la haine et à la violence.
L’Etat hébreu, avec ce projet de loi, souhaite limiter les incitations à la violence contre les Israéliens. La justice pourra ainsi demander à Facebook, mais aussi à YouTube ou Google, de supprimer certains contenus publiés par des particuliers.
Des organisations de défense des droits de l’homme dénoncent une atteinte à la liberté d’expression et craignent une dérive. Selon elles, de simples publications critiquant Israël pourraient ainsi être supprimées et des Palestiniens pourraient être inquiétés pour leurs écrits ou même leurs traits d’humour, ce qui est déjà arrivé par le passé.
En novembre 2016, lors de la vague d’incendie qui a touché la Terre Sainte, Anas Abud Abes, un Palestinien originaire du Negev dans le sud d’Israël, a publié sur son profil Facebook un post satirique critiquant les Arabes qui se réjouissaient de cette flambée : « Allons-y, brûlons tout et vous serez contents », a-t-il écrit en substance. Moins d’une heure après, la police était à sa porte. Il a été arrêté pour incitation à la haine et à la violence, a passé cinq jours en détention avant d’être relâché.
Il raconte la suite à RFI : « Lorsque j’ai été libéré, j’ai découvert que Facebook avait supprimé ma publication. Mais celle-ci n’avait rien contre les conditions générales de réseaux sociaux comme Facebook. C’est une preuve que nous ne sommes pas libres de dire, ni même de penser ce que l’on veut. » Finalement Anas Abud Abes n’a pas été poursuivi car le malentendu a été résolu.
Selon des ONG de défense des droits de l’homme, 200 Palestiniens d’Israël et des Territoires occupés sont aujourd’hui poursuivis pour incitation à la violence. Il s’agirait principalement de militants.
675 000 statuts racistes
Mais des incitations à la violence et à la haine ne sont pas à sens unique, certaines concernent aussi des publications d’Israéliens.
C’est en tout cas le résultat d’une étude menée par 7amleh. Ce centre arabe israélien spécialisé sur les questions numériques a examiné les publications d’Israéliens écrites en hébreu sur Facebook au cours de l’année 2016. Et 60 000 internautes israéliens ont écrit des publications à caractère raciste et incitant à la haine. 7amleh aurait trouvé en tout 675 000 statuts racistes ou haineux sur le réseau social. C’est deux fois plus qu’en 2015. Et selon un calcul très simple, cela veut dire que toutes les 46 secondes en Israël, des internautes publient des commentaires incitant à la haine contre les Palestiniens.
Ces publications concernent principalement les hommes politiques comme Mahmoud Abbas ou les députés arabes israéliens. Ces mêmes députés arabes israéliens qui ne voteront donc pas en faveur de la « loi Faceook », qui doit passer en deuxième et en troisième lecture à la Knesset dans les prochaines semaines.
Marine Vlahovic
Rfi.fr