Facebook est-il un danger pour la démocratie ?
Aux Etats-Unis, En Europe, En Asie, en Afrique … les internautes se déchirent sur le réseau social le plus fréquenté du monde. La commissaire européenne Margrethe Vestager a annoncé lors d’un discours qu’elle comptait s’en prendre aux algorithmes et à la publicité ciblée. Facebook et Twitter en abuseraient au point d’inquiéter la démocratie.
On l’appelle “la bête noire des multinationales”. Et il faut dire que Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, a tout fait pour mériter sa réputation de redresseuse de torts. En 2016, elle a forcé Apple à rembourser 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux à l’Irlande. Elle a accusé Google d’abus de position dominante en Europe. Elle a même fait condamner Facebook à une amende de 110 millions d’euros pour avoir menti lors de son acquisition de WhatsApp. Margrethe Vestager se veut garante de la démocratie contre les géants du Web ; la commissaire européenne défend le travail journalistique contre les automatismes des plate-formes. Pourtant, elle-même est friande de réseaux sociaux. “On ne peut pas avoir de débat ouvert depuis des mondes séparés.“
“L’algorithme peut construire des préjugés”
Dans une conférence à Bruxelles le 7 juin, Margrethe Vestager s’en est de nouveau prise à Facebook et Twitter. Dans le collimateur de la “bête noire”, les algorithmes et la publicité ciblée ont du soucis à se faire. “Le problème, a-t-elle déclaré à la tribune de la conférence All for Democracy, c’est qu’il est très difficile de savoir comment un algorithme prend ses décisions. Et ce qu’il choisit de passer sous silence pourrait aussi bien n’avoir jamais existé.” Le programme de prescription d’informations de Facebook, dont la recette est secrète, est parfois accusé d’enfermer les gens dans leur bulle. Et même de relayer des fausses informations !
Pendant la campagne présidentielle américaine, un hoax (rumeur mensongère) a été partagé plus d’un million de fois. Il affirmait que le pape François avait donné son soutien à Donald Trump. “L’algorithme peut construire des préjugés et les renforcer jusqu’à ce qu’ils ne soient plus seulement des opinions, mais des explications sur le fonctionnement du monde“, renchérit Margrethe Vestager. Pour la commissaire européenne, la publicité ciblée des médias sociaux est aussi un danger pour la démocratie. Elle ne pointe pas du doigt les annonceurs privés mais les partis qui en abusent. “Quand vous appliquez ce principe à la politique, il peut saper notre démocratie. Car si les publicités politiques n’apparaissent qu’à certains votants, comment pourrons-nous débattre des questions qu’ils posent ?” Mais elle va plus loin, expliquant pourquoi les médias traditionnels ne peuvent pas faire leur travail de vérification dans ces conditions.
En Europe, 1 adulte sur 5 affirme s’informer principalement sur les réseaux sociaux. Or l’utilisateur ne maîtrise pas forcément les informations qu’il reçoit. La commissaire le reconnaît, “c’est normal que Facebook ait recours à des algorithmes pour traiter tous ses flux d’informations“. Le réseau le plus populaire du monde doit gérer plus de 50 millions de changements de profil par jour. Les journalistes ne peuvent pas accéder à certaines informations car Facebook garde les secrets de ses acheteurs de publicité. Le réseau social affirme que “les publicités ne doivent pas demander d’informations concernant l’affiliation politique sans notre autorisation préalable”. Ce qui, selon Le HuffPost, n’a pas empêché les candidats à la primaire de la droite de se payer des publicités ciblées pour lancer des appels aux dons. La conférence de Bruxelles s’est terminée par le lancement d’une alliance européenne pour la démocratie. Mais pour Margrethe Vestager, le combat ne fait que commencer.
Damien Desbordes
Sciences & Avenir