Burkina Faso : Après l’attentat, Ouagadougou entre Peur et Choc
Burkina Faso : Après l’attentat, Ouagadougou entre Peur et Choc
Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, est en état de choc et peur à la fois, après l’attaque perpétrée contre l’Etat-Major général des armées, l’Ambassade de France et l’Institut français, le vendredi 2 mars 2018. Il faudra désormais ajouter cette date à celle du vendredi 15 janvier 2016, ainsi que celle de la nuit du 13 au 14 août 2017, dans les pages sombres du Burkina Faso.
3 attentats en l’espace de 2 années, ça commence à faire beaucoup ! L’émoi que le dernier attentat suscite est d’autant plus compréhensible, parce qu’il s’agit cette fois-ci de lieux, de citadelles presqu’imprenables eu égard au dispositif qui y était déployé. On est stupéfait par le culot avec lequel les terroristes ont investi, de manière coordonnée et intelligente, ces endroits. Un affront en plein jour.
Les attaques du vendredi 2 mars 2018 illustrent la détermination des groupes djihadistes. Cette nouvelle offensive des groupes armés au cœur de Ouagadougou, illustre la volonté des djihadistes de défier les pays de la région qui ont constitué le G5 Sahel et obtenu le soutien de la communauté internationale.
La double attaque a commencé vendredi matin sur les coups de 10 heures. « Des assaillants ont commencé à tirer sur l’ambassade de France. Quelques minutes après, un autre groupe, de manière coordonnée, s’est attaqué à l’état-major général des armées », indique le ministre de la sécurité, Clément Sawadogo. Une réunion relative au G5 Sahel est alors en cours dans le bâtiment. « Cette réunion était peut-être ciblée, nous n’en savons rien pour le moment », estime Clément Sawadogo.
Heureusement, le lieu de la rencontre a changé à la dernière minute avant l’attaque, ce qui a sans doute permis de sauver des vies. De source autorisée, on indique que le chef d’état-major burkinabè, Oumarou Sadou, est sain et sauf. Il n’a pas été touché. Si la réunion s’était tenue dans la salle initialement convenue, « il y aurait eu effectivement une situation extrêmement dramatique », confirme le ministre de la Sécurité.
Pour investir l’enceinte de l’état-major, les assaillants ont employé des explosifs. Une stratégie encore jamais utilisé lors des deux attentats qui ont déjà endeuillé Ouagadougou, le 15 janvier 2016 (30 morts) et les 13 et 14 août 2017 (18 morts). « Ils sont arrivés par l’entrée de derrière. Ils ont commencé par tirer sur les sentinelles postées devant la double porte. C’est comme ça qu’ils ont fait entrer leur véhicule, bourré d’explosifs. Une fois arrivés sur le parking interne de l’état-major, ils ont fait sauter leur véhicule. Cela a créé une brèche dans un des murs, qui leur a permis de pénétrer à l’intérieur du bâtiment », détaille une source sécuritaire.
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Pour la première fois, les assaillants portaient des tenues militaires. « Nous ne savons pas encore comment ils se les sont procurées », explique le colonel Jean-Arthur Diasso, directeur de la communication du ministère de la défense, tout en rappelant qu’un magasin d’habillement militaire a été cambriolé à Ouagadougou en mars 2017. Quelque 400 uniformes avaient été volés.
L’état-major avait complètement revu son dispositif sécuritaire, depuis quelques semaines, remplaçant ses barricades de fortune contre de solides remparts grillagés encadrant tous les murs du bâtiment. Une guérite avait aussi été installée devant la porte principale. Est-ce que les autorités avaient reçu des alertes faisant état de possibles attaques en préparation contre l’état-major ? La question reste pour l’heure en suspens. Vendredi soir, le décompte et l’identification des victimes se poursuivaient. Le parquet de Ouagadougou a ouvert une enquête.
Ce double attentat survient tandis que se déploie la force du G5 Sahel associant cinq pays de la région (Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie, Tchad), soutenus en particulier par Emmanuel Macron, en complément de l’opération française « Barkhane ». « La montée en puissance du G5 Sahel perturbe les terroristes (…). Cette attaque correspond à des représailles de la part des groupes armés à la suite des pertes qu’ils ont subies sur le front », explique le colonel Diasso. D’après nos informations, les groupes djihadistes ont reçu la consigne d’« empêcher le déploiement des forces du G5 à tout prix ».
Aussi vrai que le G5 Sahel soit bien la cible de ces assauts, pourquoi attaquer le Burkina Faso en particulier ? « C’est le ventre mou de la sous-région, estime une source diplomatique. Les assaillants n’auraient pas pu mener une telle attaque à Niamey (capitale du Niger) ou Bamako (capitale du Mali) car ces villes sont plus sécurisées. »
Au Burkina Faso, cette double attaque simultanée marque une rupture, en raison de sa préparation minutieuse, de son mode opératoire et des cibles ultrasécurisées qu’elle visait. « Jusqu’à aujourd’hui, les attaques qui ont eu lieu dans le pays étaient plutôt amatrices. Cette évolution est très inquiétante, poursuit notre source. Cela montre que les assaillants n’ont peur de rien. »
Jusqu’à l’attentat du 15 janvier 2016 contre le café-restaurant Le Cappuccino, à Ouagadougou, le Burkina Faso considérait le terrorisme comme un phénomène étranger, frappant ses voisins mais épargnant sa population. Depuis cette date, le terrorisme a passé la frontière. Au fil des mois, les attaques se font faites plus fréquentes, plus sophistiquées et le nombre de morts toujours plus important. En octobre 2017, le gouvernement avait dressé un bilan de 80 attaques terroristes ayant tué 133 personnes depuis 2015. L’attentat du 2 mars vient encore alourdir ce chiffrage dans un pays qui semble avoir rejoint ses voisins maliens et nigériens au cœur de la poudrière sahélienne.
Le premier ministre Paul Kaba Thiéba ainsi que d’autres membres du gouvernement ont effectué une visite sur le site ce samedi 03 mars 2018. Sa délégation et lui ont été ensuite reçu par l’ambassadeur de la France au Burkina.
Ces attaques terroristes étaient prévisibles, le Burkina Faso coche, hélas, « toutes les cases pour être une proie de choix de la mouvance islamiste ». La France a désormais un devoir moral vis-à-vis de petites nations à la merci des affidés de Daech ou d’al-Qaïda ».
3/3L’UA poursuivra son action de plaidoyer pour sensibiliser la communauté internationale sur l’impératif d’une mobilisation plus forte à la hauteur de la menace à laquelle les États de la région sont confrontés dans le cadre d’une coordination toujours plus étroite #BurkinaFaso
— Moussa Faki Mahamat (@AUC_MoussaFaki) 2 mars 2018
Il faut se dire les vérités, la force du G5 Sahel doit lutter contre ce terrorisme mais elle n’existe pour le moment que sur papier. En cause le manque de financement. Et en plus du matériel qu’il faut acheter, « la force du G5 Sahel intègre des émoluments pour les soldats et les encadreurs. Des gens déjà payés par leur pays. » Et dont la « gourmandise » coûte cher au G5 Sahel. Jusqu’à quand va continuer cette danse de sorciers ?
Origène Kolinka