Zimbabwe : Robert Mugabe démissionne enfin !
Robert Mugabe avait promis de fêter ses 100 ans à la tête du Zimbabwe . L’insubmersible Camarade Bob, héros de la lutte pour l’indépendance a fini par être emporté par la bourrasque qui s’est abattue sur lui, suite à une grave erreur de jugement. Croire que les Zimbabwéens allaient accepter l’inacceptable. Accepter que Grace Mugabe lui succède. Le vieux lion vient de rendre les armes.
Assurément, la nouvelle de la démission de Robert Mugabe a surpris tout le monde. Les députés étaient examinaient la procédure d’impeachment (destitution) lorsque le Président du Parlement, Jacob Mdenda, a interrompu la session pour lire la lettre que Robert Mugabe venait de lui faire transmettre : « Moi, Robert Gabriel Mugabe […] remets formellement ma démission de président de la République du Zimbabwe avec effet immédiat ». Cette annonce s’est faite un peu avant 18 heures. Cette incroyable information a été accueillie par les députés de l’Assemblée Nationale avec un tonnerre d’applaudissements.
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Des concerts de klaxons et des hurlements hier à Harare, capitale du Zimbabwe, pour célébrer la chute de Robert Mugabe #AFP pic.twitter.com/IYQUyLMrY7
— Agence France-Presse (@afpfr) 22 novembre 2017
Dans les rues d’Harare et à Johannesburg (où vivent de nombreux Zimbabwéens) ce sont des scènes de liesse indescriptibles qui se déroulent. Des milliers de citoyens célèbrent l’abdication de celui tenu le Zimbabwe d’une main de fer, pendant 37 ans. C’est l’épilogue est l’épilogue de plusieurs semaines de vives tensions au sein de l’exécutif zimbabwéen et de l’armée dirigée par le général Constantino Chiwenga. Alors qu’on s’attendait que Robert Mugabe serve une dernière entourloupe aux Zimbabwéens, il a rendu le tablier. Nous ne cessons de le répéter, Robert Mugabe, sous ses faux airs de sénilité, est hommes très intelligent, très structuré. Il a fait une lecture lucide des derniers événements qui lui ont indiqués qu’il était inutile de livrer un dernier round.
#instantanés Retour en images sur la démission du président Mugabe et les scènes de liesse populaire qui ont animé hier les rues d’Harare, capitale du Zimbabwe #AFP pic.twitter.com/NwpqDsOtHy
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Il s’agit, entre autres, du dernier conseil des ministres qu’il a convoqué, auquel ces derniers n’ont pas daigné répondre. Il y a ensuite le meeting de protestation des vétérans de la guerre de libération, qui a été un succès total. C’est une déferlante le samedi 18 novembre dernier. Pour ceux qui suivent l’actualité du Zimbabwe, on n’avait jamais vu autant de monde dans les rues, à Harare et à Bulawayo. L’Afrique Sud, soutien de toujours de Robert Mugabe, n’a pas « vu venir les choses », a été pris de court et a vite compris que le général Constantino Chiwenga et ses soldat étaient très déterminés à aller jusqu’au bout de leur initiative. Enfin, l’ancien président de la Zambie (ex Rhodésie du Sud), Kenneth Kaunda qui a le même âge que le Camarade Bob, serait discrètement intervenu pour lui souffler à l’oreille que les dés étaient jetés.
C’est un autre futur qui s’ouvre pour le Zimbabwe. Un futur, sans Grace Mugabe qui a concentré toutes les rancœurs, en réclamant une chose à laquelle elle n’avait pas droit. Le pouvoir ! C’est pourquoi ils ont tout entrepris que le «coup de Grace» échoue. Grace Mugabe, la secrétaire du président, la villageoise devenue première dame, comme elle aimait à le raconter, a toujours été perçue par les Zimbabwéens comme une arriviste, une femme qui aurait même profité de la maladie de sa prédécesseure pour séduire Robert Mugabe, de 41 ans son aîné. Grace Mugabe, accusée de s’être fait octroyer un faux diplôme de docteur, n’a jamais pu faire effacer dans le cœur des fantassins de la ZANU PF, la mémoire de l’universitaire ghanéenne Sally Hayfron, première épouse de Bob, terrassée par un cancer du rein en 1992.
Les vétérans de lutte contre le régime d’Apartheid de Ian Smith se souviennent qu’à l’heure où Sally agonisait, son époux s’essayait à la bigamie avec sa fringante assistante (Grace), dont on avait pris soin d’éloigner le mari, exilé à l’ambassade du Zimbabwe à Pékin. Quatre ans plus tard, Mugabe et son « deuxième bureau » -en Afrique, la maîtresse officielle- ont convolé en noces, malgré les grincements de dents de la hiérarchie Catholique, en l’église de Katuma College. Deux enfants étaient déjà nés de leur union semi-clandestine. Non, jamais Grace n’est parvenue à éclipser Sally, la combattante au pedigree exemplaire, forgée au feu de l’exil et de la prison. L’usurpatrice capricieuse et colérique a toujours souffert de la comparaison avec la première épouse du chef de l’État, la respectée Sally Hayfron Mugabe, ancienne militante de la lutte contre le régime blanc, éduquée et très investie dans la sphère sociale.
«« Gucci Grace », « la première acheteuse », « Disgracefull », « Lady Gaga », est responsable de cette crise parce qu’elle voulait prendre le pouvoir et forcer Mugabe à écarter ceux qui étaient en travers de son chemin», résume pour l’AFP l’expert Shadrack Gutto, de l’université d’Afrique du Sud. «Mais son ambition l’a perdue», ajoute-t-il, «elle n’a réussi qu’à accélérer la chute de son mari». Grace Mugabe ne consent aucun effort pour adoucir son image. Les frasques de celle qui a la moue boudeuse, la mine renfrognée, le regard hautain volontiers dissimulé derrière des lunettes noires de marque, ne se comptent plus. Ses accès de colère, dont peuvent témoigner de nombreuses personnes, sont dévastateurs. Deux exemples pour illustrer nos propos.
Le photographe britannique Richard Jones, coupable en janvier 2009 d’avoir pris en filature une Grace en virée pour une séance de shopping dans un quartier chic de Hong-Kong. Alpagué puis cloué au sol par les gardes du corps de Madame, le paparazzi voit fondre sur lui toute la rage de Grace Mugabe, l’injure à la bouche, qui lui a pilonné et lacéré le visage, avec les joyaux des bagues XXL dont elle se pare les doigts. Ensuite, le mannequin sud-africain Gabriella Engels, bastonnée en août dernier à coups de rallonge électrique dans une suite d’un palace de Johannesburg. Gabriella Engels a commis le crime de papillonner autour de Robert et Chatunga, les deux fils de Disgracefull. Une « immunité diplomatique », pour le moins contestable, lui a permis de quitter libre le pays de Nelson Mandela, après s’être planquée une semaine durant. On peut comprendre pourquoi Emmerson Mnangagwa a pris la tangente, avant que l’étau. ne se referme sur lui !
Si Robert Mugabe, qui a maintenu une chape de plomb sur le Zimbabwe (répression impitoyable des opposants) pendant son long règne est tombé, et que le pays respire à nouveau, il n’en demeure pas moins que sa succession s’accompagne déjà d’énormes incertitudes pour l’avenir d’un pays riche que lui Bob et la ZANU PF ont conduit à la ruine ! Dans l’euphorie de l’annonce de la démission de Robert Mugabe on a vu certaines personnes brandir des affiches du chef de l’armée zimbabwéenne, le général Constantino Chiwenga, et de l’ancien vice-président Emmerson Mnangagwa, dont le limogeage, ce mois-ci, a déclenché la prise de contrôle militaire. Emmerson Mnangagwa, qui est prêt à endosser les habits de président par intérim, est l’incarnation de toute l’architecture du système que Robert Mugabe a mis en place. On l’appelle le « Crocodile », parce qu’il a la réputation d’être une personne discrète et impitoyable. Il est aussi comptable que Robert Mugabe de ce qui s’est passé au Zimbabwe.
Or il va falloir opérer des réformes, pour permettre au Zimbabwe de faire le saut qualitatif attendu par les Zimbabwéens, l’Afrique et l’opinion internationale. Quel gage Emmerson Mnangagwa peut-il donner, pour que les cartes soient rebattues, pour que le jeu politique soit ouvert et que l’économie soit relancée ? La ZANU PF peut-elle faire son aggiornamento, sans se faire Harakiri ? Le chien peut-il changer sa manière de s’asseoir ? 😆
Cela dit, au-delà du cas Mugabe, ce qui se passe aujourd’hui dans l’ancienne Rhodésie du Sud doit servir d’avertissement à tous les dictateurs du continent. Alors que l’ex-président angolais, Eduardo Dos Santos, semblait leur avoir indiqué la voie à suivre en se retirant du pouvoir, ils sont encore nombreux comme Robert Mugabe qui se comportent comme si leur pays était leur propriété privée. Ils ont font à leur tête. Il s’agit en l’occurrence de Yoweri Museveni, Teodoro Obiang, Pierre Nkurunziza, Denis Sassou Nguesso, Joseph Kabila, Faure Gnassingbé, Ali Bongo et autres Paul Biya. Ils s’imaginent, sans doute, comme il est établi dans la structure mentale des dictateurs, que ce qui arrive au vieux Bob n’arrive qu’aux autres. Mais, ils seront bien surpris à leur tour.
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Le Zimbabwe est entrain de réécrire son histoire. La particularité d’une partie de cette histoire est que c’est par Grace Mugabe que la disgrâce du plus vieux chef d’Etat, jusque-là en exercice du pouvoir, est arrivée. Et voilà un exemple qui vient rappeler celui de Simone Gbagbo, épouse de l’ex-président ivoirien aujourd’hui détenu à La Haye, et qui devrait inspirer toutes ces Premières dames africaines qui sont tentées de se lancer dans l’arène politique. A bon entendeur …
Origène Kolinka